Ô Madrid

Publié le par coline

couve-hiver-madrid.jpgNous sommes à Madrid, en 1940, après la guerre civile espagnole qui a vu la victoire du fascisme et de Franco, au cœur d’un hiver glacial et d’autant plus cruel que les habitants manquent de tout, crèvent comme des mouches – de faim ou de maladie –, quand ils ne se font pas attaquer et dévorer par des meutes de chiens efflanqués et affamés tapis à certains carrefours désertés de la ville. Et nous suivons Harry Brett, qui, fort de son métier de professeur d’espagnol à Cambridge, a été approché puis embauché par les services secrets anglais afin d’espionner un ancien camarade de l’école de Rookwood, Sandy Forsyth (personnage plein de morgue et de cynisme), soupçonné de faire partie de la sinistre Phalange. Harry, après avoir été blessé sur le front et déclassé, sous la couverture d’un traducteur attaché à l’ambassade de Grande-Bretagne, trouve ainsi l’occasion d’aider encore son pays assailli par l’ennemi nazi, et revoir par là même cette ville qu’il avait tant aimée lors d’un premier séjour, des années auparavant. Mais bien sûr, tout a changé, la capitale espagnole est même devenue une sorte de banlieue de l’enfer. Et où se trouve par exemple Bernie Piper, autre ami très proche, brillant élève venu d'un milieu modeste, devenu fervent communiste, avec qui il s’entendait si bien ? A-t-il survécu à la guerre civile dans laquelle il s’était engagé comme combattant volontaire étranger ? Et sa fiancée Barbara, est-elle toujours là, et vivante ? Flashbacks bien amenés, atmosphères troubles et passionnées, camps de la mort, meurtres, personnages féroces, vénaux, cruels, ou bien humiliés, maltraités, torturés, descriptions apocalyptiques d’un franquisme inhumain, dévoilement d’une diplomatie pathétiquement hypocrite et pourrie, et amour aussi pour Harry, malheureux pion manipulé, qui tombe sous le charme de Sofia, jeune étudiante en médecine très engagée, lors d’un coup de foudre implacable, pour égayer de quelques lumières cette noirceur – mais cet amour a-t-il un quelconque avenir ? C. J. Sansom nous offre un beau roman gris-noir, à la fois d’espionnage et historique, au bout duquel on se retrouve ébranlé, épuisé, après l’ultime coup de théâtre.

Un hiver à Madrid, de C. J. Sansom, traduit de l’anglais par Françoise Rose, 516 p., Belfond, 2008, 22,50 € (vient de paraître ce mois-ci en poche chez Pocket).

© Gilles Vidal

 

http://gilles-vidal.pagesperso-orange.fr

 

 

 

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