Chacun son tour

Publié le par Gilles Vidal

À l’hiver de sa vie, le narrateur tire une sorte de bilan sans toutefois émettre nettement le moindre remords, ce(s) dernier(s) restant sous la semelle. Ici, la morosité est disgracieuse. Il se souvient des concerts à Orange au théâtre antique et de l’enthousiasme exalté qu’ils sécrètaient, les chaleurs et les froidures, les lumières diffractées qui mélancoliquent les pensées, dans la vieillesse on retourne aux sommeils d’enfance, n’est-ce pas, on oublie sa vie d’homme comme si elle s’était inexorablement effacée et qu’elle n’ait jamais existé. Gabrielle et Frédéric, ses enfants mariés, se sont éloignés de lui comme lui s’est éloigné d’eux (même ses petits-enfants l'indifférent), excepté Frédéric le fils qui vient le voir de temps en temps pour prendre des nouvelles de sa santé. Cinquante ans que l’autre fils, Charles, est mort à l’âge de cinq ans, un demi-siècle de vide insolent et pourtant il le pleure encore entre les murs de sa maison d’hiver aux murs qui s’effritent et il entend encore sa voix, ses rires et ses lamentations. Dans cet ensemble où se noie l’oubli, il ne peut chasser les qualités de ce gosse, « le contraste entre cette volonté, cette intelligence si aiguë et cette fragilité ». Comment survivre encore sans Charles ? Sans doute en appelant la mort de ses vœux ou tout simplement en l’accélérant (pour aller le rejoindre ?). Le tout enrobé dans une belle écriture empreinte de nostalgie pour les jours perdus à jamais.

 

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