De poussière, d’exil et d’amour

Publié le par Gilles Vidal

 

Dans son nouvel opus publié chez les excellentes éditions du Jasmin, Fawaz Hussain se dévoile un peu plus encore que dans ses précédents livres (je pense entre autres au Kurde qui regardait passer les nuages que j’ai eu le plaisir de publier l’année dernière dans la collection Texture) car, même si c’est censé être un récit romancé, c’est en fait l’auteur qui se cache derrière son double – en l’occurrence Faramarz Hajari*. L’auteur donc, Kurde exilé en France comme lui et tiraillé depuis toujours entre ses racines désormais mouvantes et sa nouvelle vie européenne, est invité à venir dans le sud de l’Espagne par une certaine Fulgencia, plus précisément à Murcie**, pour participer à un colloque ayant pour sujet l’exil. Ce voyage court mais intense de trois jours lui permettra d’aller aussi à la découverte d’Ibn Arabi, né en 1165 dans cette ville et mort à Damas, en Syrie, en 1240, écrivain, juriste, ouléma, philosophe, poète et j’en passe. Je dois avouer que bien que connaissant bien sûr de nom cet auteur ancien fort prolifique, je ne savais quasiment rien sur sa vie et son œuvre. Ce livre m’a ainsi permis d’en apprendre beaucoup plus et d’aller me pencher de mon côté notamment sur sa belle production poétique***. Le narrateur Hajari, dans ce récit alerte, va hanter Murcie et ses ruelles à la recherche de ce personnage fascinant, nous flirterons aussi entre nostalgie, clins d’œil touristiques et parfums d’un autre monde, sans oublier ces citronniers et orangers métaphoriques s’alignant à perte de vue, et qui lui coupent le souffle. Au détour d’une de ses déambulations, il va rencontrer une femme magnifique, Elvira, dont il va tomber amoureux sur-le-champ et avec qui il va lors d’une parenthèse enchantée fusionner, se noyer. Mais l’aventure n’a qu’un temps et il va finir par retourner à son petit appartement parisien enténébré de solitude, avec sous le bras ses doutes et ses espoirs quant à sa foi, et ruminer toujours et encore les affres de l’exil qui ne le quittent pas malgré le temps qui n’en finit pas de fuir…

* En kurde, Hajari veut dire à la fois indigence et humilité, pauvreté et misère.

** D’Alicante, je m’étais rendu à Murcie il y a quelques années en plein mois d’août ; je me souviens d’une ville quasi-déserte écrasée par le feu du soleil, dont je longeais les murs à la recherche de la moindre miette d’ombre tandis que les habitants, en ce début d’après-midi, semblaient terrés dans leurs habitations.

*** Je crois en la religion / De l'Amour, / Où que se dirigent ses caravanes / Car l'amour est ma religion et ma foi. (L’Harmonie parfaite)

Murcie, sur les pas d’Ibn Arabi, de Fawaz Hussain, éditions du Jasmin, 134 p., 18 €, 2020.

 

 

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